vendredi 3 octobre 2014

Une aubaine pour les jeunes ou une escroquerie économique et financière ? | Tamurt.info

ANSEJ :
TIZI OUZOU (Tamurt.info) - Le système éducatif, savamment élaboré par des hommes et des femmes, désireux de maintenir l’Algérie dans le sous-développement et au même temps perpétuer le système oligarchique, est directement responsable de l’indigence scientifique intellectuelle de la jeunesse algérienne. Et pour s’innocenter vis-à-vis du petit peuple, ces hommes et femmes oligarques ont mis en avant certains mécanismes trompeurs en faveur de ces jeunes.
03/10/2014 - 15:43 mis a jour le 03/10/2014 - 14:21 parSaïd Tissegouine
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Soif de démocratie, horizons obscurs, absence de perspectives, vie morne et sans saveur, chômage, l’exclusion… Voici une panoplie de mots concernant la jeunesse algérienne. Des mots qui reviennent avec récurrence, comme un refrain d’une longue chanson, depuis 1986, année où l’Etat algérien reconnut officiellement la crise économique du pays, et ce suite à la chute brutale du prix de l’hydrocarbure.
Pourtant, - l’histoire en témoigne – la crise de la jeunesse se déclara dès l’année 1982. Car c’est au cours de cette année que la différence des couches sociales, ou tout simplement des classes, se dévoila pour la première fois depuis l’indépendance du pays. C’était le premier « fruit » du président de la république d’alors, feu Chadli Bendjdid, dont la ferveur pour le capitalisme n’était un secret pour personne.
Toutefois, par prudence et calcul, le successeur de feu Houari Boumediène, opta pour les termes « le socialisme à l’Algérienne ». Les deux principales facettes des nombreux paradoxes de la politique de feu Chadli Bendjdid était justement d’un : le coup de starter de l’économie capitaliste et de deux : le refus de l’ouverture du champ démocratique engendrant dès lors l’inégalité des chances devant la réussite.
Devant cette situation, seuls les dignitaires du régime et leurs sous sphères ont pu accéder aux créneaux garantissant richesses et réussite sociale. Et au lieu de rectifier le tir dès les premières sonnettes d’alarme tirées par les intellectuels et certains autres patriotes, feu Chadli Bendjdid, retenu sans doute prisonnier dans l’engrenage que lui-même a créé, misa sur l’élément temporel pour apporter la solution idoine. Hélas, cet élément temporel, n’a de compétence qu’assurer l’horloge de l’univers sinon user les êtres vivants.
Donc, l’on a assisté, suite à l’inertie du pouvoir politique de l’ère de Chadli, à une révolte sociale laquelle a été réprimée dans le sang. Les successeurs de feu Chadli Bendjdid, appuyés et soutenus par les mêmes dignitaires du régime sous Chadli, n’ont apporté de rectificatif à l’iniquité, outrageusement aggravée par le terrorisme, que dans le discours et l’expression ainsi que certains mécanismes dont le but était justement de donner couleurs au discours. En effet, les compétences d’harangue de foules louées par la nouvelle équipe dirigeante, utilisa beaucoup et fort bien le sujet « jeunesse » dans sa conjugaison du verbe. « La jeunesse algérienne est la digne continuatrice du combat de ses aînés », « La nation algérienne a une immense richesse qui est sa jeunesse », « Le potentiel que représente la jeunesse est d’une richesse inestimable pour le pays »…. Telles étaient et qui sont encore en vigueur des expressions, pourtant triviales, à l’endroit des jeunes.
En réalité, on n’a pas besoin de sortir de Saint-Syr ou d’Harvard pour savoir qu’une jeunesse non savante constitue non pas une richesse mais une charge lourde pour une nation. C’est le cas justement de la plupart des jeunes Algériens. Le système éducatif, savamment élaboré par des hommes et des femmes, désireux de maintenir l’Algérie dans le sous-développement et au même temps perpétuer le système oligarchique, est directement responsable de l’indigence scientifique intellectuelle de la jeunesse algérienne. Et pour s’innocenter vis-à-vis du petit peuple, ces hommes et femmes oligarques ont mis en avant certains mécanismes trompeurs en faveur de ces jeunes.
L’un de ces mécanismes est appelé « ANSEIJ ». Même cette longue abréviation suggère la tromperie et la supercherie. ANSEIJ se lit dans son appellation complète « Agence nationale de soutien et insertion des jeunes ». Le fond philosophique
et politique de l’ANSEIJ dans son cadre officiel naturellement est d’aider financièrement les jeunes à créer leurs entreprises et à les soutenir par un suivi de conseils durant les premiers temps ayant suivi la création des entreprises en question.
Théoriquement, une fois le dossier déposé par le jeune auprès de l’ANSEIJ et par lequel il a indiqué la nature de l’entreprise qu’il voulait mettre sur pied, les services de l’ANSEIJ l’orientent vers la banque qui doit lui assurer les crédits qui soient plafonnés avec l’entreprise à créer. Mieux encore, les textes autorisent aussi l’ANSEIJ à défendre auprès de la banque le projet mis sur pied par le jeune concerné. 
Dans la réalité, les jeux se pratiquent autrement. En premier lieu, le dépôt du dossier auprès de l’ANSEIJ relève du parcours du combattant. La bureaucratie est l’une des armes les plus redoutables des régimes totalitaires. Et le régime algérien en est un. Et dès lors, beaucoup de jeunes, après avoir dépensé de l’argent et consacré beaucoup de temps, finissent par jeter leurs dossiers à la poubelle. Ceux qui font preuve d’une longanimité arrivent enfin à déposer leur dossier auprès de l’ANSEIJ. Et à partir de là, un nouveau parcours, aussi difficile, sinon plus difficile, que le premier. En effet, les banquiers, dont la vocation, tout aussi naturelle que légale, est de tirer profit dans les prêts qu’ils effectuent aux clients. Donc, quand un client est jugé non solvable, point de crédits. 
Retenons-nous d’anathématiser les banquiers même si dans l’imaginaire populaire ils ne sont que synonymes de voleurs, profiteurs, suceurs de sang et parasites. En effet, la plupart des demandeurs de crédits, c’est-à-dire ces jeunes désirant mettre sur pied leur propre entreprise, présentent des projets loin d’être consistants. Souvent, ils déclarent vouloir mettre sur pied une entreprise d’élevage de bovins ou de transport. Tout d’abord, ces marchés sont très saturés. Ensuite, le projet tel que présenté n’est pas de nature à s’imposer sur le marché. Et dès lors, le banquier, très au courant des marchés, se voit dans l’obligation de rejeter le dossier qui lui est présenté. – Ne l’oublions pas, les banquiers sont formés par des universités et sont dès lors des spécialistes des sciences économiques et financières ; ce qui n’est pas le cas de la plupart des jeunes qui passent par l’ANSEIJ. C’est-là justement le paradoxe de la politique mise en avant par le pouvoir algérien en faveur de la jeunesse. Il existe beaucoup de créneaux où les jeunes n’ayant pas eu la chance de suivre le cursus universitaire peuvent faire carrière. Ce sont surtout des créneaux exigeant le savoir manuel. L’on peut citer la plomberie, la maçonnerie, le vitrerie, la maréchalerie, la tannerie, l’électricité, etc. Par la politique de feu Chadli Bendjdid et ses successeurs, ces métiers manuels sont dévalorisés. La société, dans son subconscient, considère que ces métiers manuels sont exercés par des hommes et des femmes de basse condition, pour ne pas dire de « caste inférieure ». Rien qu’un simple exemple : un jeune homme désirant se marier lui est demandé en premier lieu par les parents de la femme avec qui il manifeste le désir de faire sa vie le métier qu’il exerce. Cette question n’est nullement justifiée par le besoin d’être rassurés que leur fille ne crèverait pas de faim mais par plutôt par le besoin de fierté professionnelle. Bien des jeunes hommes ont essuyé un refus à cause de leur profession surtout quand la femme demandée en mariage a fait des études supérieures. Le contraire est aussi juste. Bien des femmes belles et bien élevées sont ignorées à cause de leur profil professionnel se limitant au manuel. Donc, par la bouderie et le mépris que leur inflige la société, les métiers manuels sont évités. Il se trouve également que le raisonnement scientifique exige que toute personne désireuse de réussir en affaire ou, tout simplement socialement, il faut qu’elle s’investisse dans ce qu’elle sait faire. Les jeunes passant par l’ANSEIJ demandent souvent des crédits pour investir dans des créneaux dont ils ignorent tout. Cependant, beaucoup de jeunes ont menti dans leurs déclarations. En effet, à la place de l’investissement promis, ils ont, toute honte bue, investi dans l’achat d’un véhicule. La possession et la conduite d’une voiture est de nos jours à la mode. Si certains tricheurs ont échappé à la sanction de l’Etat, d’autres en revanche vivent dans l’angoisse d’obligation de remboursement de l’argent emprunté. Au-delà cependant de la peur d’être contraint à rembourser l’argent emprunté ou même d’être condamné à subir un petit séjour pénitencier, un fait apparaît : le problème du chômage n’est pas réglé. Cette économie hors hydrocarbure dont les jeunes chômeurs ont été chargés de « lancer » n’est qu’à son état imaginaire.
Récapitulons ! La création d’entreprises par les jeunes, et ce par le biais de l’ANSEIJ, était considérée officiellement comme un moyen non seulement de mettre fin au chômage des jeunes mais aussi de créer un autre marché de l’emploi et des richesses matérielles à mettre sur le marché de la consommation. Rien de tout cela n’est réalisé. Est-ce à soupçonner que celles et ceux ayant réfléchi et mis sur pied cette formule ANSEIJ ne savaient pas que ça allait aboutir à un échec ?
A parier tout l’or de Fort Knox et toute la trésorerie de la SONATRACH qu’ils savaient que cela ne pouvait se solder que par un échec. Il est vrai aussi que l’objectif principal et initial d’Abdelaziz Bouteflika à travers l’application tout azimut de cette formule ANSEIJ était de soustraire et d’éloigner la jeunesse kabyle du projet de l’autodétermination de la Kabylie. D’ailleurs, la grande médiatisation de l’ANSEIJ a commencé à partir de 2001, année de la création du MAK. Notons enfin qu’il serait malhonnête de notre part de mentionner que personne n’a pu profiter en réalité de la formule ANSEIJ. Il n’est un secret pour personne qu’effectivement, des empires ont pu être créés par cette formule. La grande question est de savoir qui sont les jouisseurs de ces empires sigillés « Sa Majesté ANSEIJ » ? 
La première piste à suggérer aux curieux est celle menant aux dignitaires du régime sous l’ère de feu Chadli Bendjdid et de leur descendance. Abdelaziz Bouteflika a jacassé sur ses prédécesseurs mais pas sur les hommes et les femmes qui les ont servis. Personne ne jacasse sur ses serviteurs pardi ! Toutefois, par souci de faire éviter à des « écervelés » de demander des comptes aux grands bénéficiaires de l’ANSEIJ, car il risquent fort bien de tomber dans un faux barrage dressé par Jound El Khalifa, nous leur recommandons de retourner tout simplement dans leurs petites têtes la question posée en titre : ANSEIJ : est-ce une aubaine pour les jeunes ou une escroquerie économique et financière ?
Addenda : Au début de cette décennie 1980, tout un lexique se développa sur l’ensemble du territoire algérien. Idem concernant les blagues. Leur fond philosophique renseigne sur la différence des classes et le mépris envers les métiers dits « manuels ». En matière lexicale, en voici deux. « Zoufri », mot péjoratif indiquant « ouvrier manuel ». « Cavi ou cavé » qui s’écrit et se prononce en réalité « cave » qui signifie familièrement « niais », « dupe », « dadais », « idiot ». Par « cavi ou cavé », on désignait surtout un manœuvre originaire de la campagne. 
Comme blagues, en voici deux autres aussi. La première : une femme alla demander la main d’une fille pour son fils. En parlant de ce « fils », elle le présenta à la fille en question et à ses parents comme « un maçon et en plus instruit ». La seconde : un jeune manœuvre montagnard, en costume, bien rasé et sentant le parfum, s’en alla en ville en quête d’emploi. En se présentant à une boîte, il demanda l’emploi selon naturellement son profil. Le patron lui répondit : « Mon ami, tu m’as dérouté, en te voyant venir, j’ai cru avoir déniché l’ingénieur ou l’architecte dont j’ai tant besoin ».

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