jeudi 29 janvier 2015

Ait Menguellet, sublimation et révolte contre un ordre moral
Soumis par Amar BENHAMOUCHE le jeu, 2015-01-29 09:01
         

La sublimation en psychologie est le détournement d’une pulsion sexuelle vers des buts plus acceptés et valorisés socialement. Dans une société moralisante et inhibitrice, il parait très difficile de s’exprimer et d’extérioriser, mais le génie artistique possède les moyens de détournement. Avec une intelligence si marquée, le poète parvient à faire passer ses messages, ses idées et ses désirs.

Les sociétés nord africaines sont sous l’emprise de cette culture moralisante et répressive. Cette répression tue la fantasmatisation chez l’individu, elle crée en lui une sorte de culpabilité qui, par conséquent, tue les capacités intellectuelles. C’est la dimension surmoïque qui favorise davantage l’apparition de la névrose. Des frustrations, un vide affectif et intellectuel avec un état d’angoisse permanente. En effet, l’artiste et l’intellectuel engagé représente un élément de thérapie, il a une fonction salvatrice.

Ait Menguellet Lounis, représente ce talent, ce génie qui emploie le mot comme butin de guerre. Il représente l’âme d’un peuple réprimé dans ses désirs, un peuple assoiffé et frustré sur plusieurs plans : sociaux, culturels et affectifs. Ses poèmes et ses chants se faufilent dans les cœurs et les esprits et constituent une référence : petits, grands, hommes et femmes en chantent.

La force du verbe et la musique se conjuguent et lient le poète à son publique. Nietzsche disait la musique c’est de la poésie, une parole qui explique tout le travail artistique de Ait Menguellet.il était très mythifié et adoré par ses fans, mais aussi, il a impressionné des intellectuels, des hommes de lutte et de culture. Le grand écrivain Kateb Yacine lui rend hommage dans la préface du livre de Tassadit yacine –Ait Menguellet chante- en disant « Incontestablement, Lewnis AT MANGUELLET est aujourd'hui notre plus grand poète. Lorsqu'il chante, que ce soit en Algérie ou dans l'émigration, c'est lui qui rassemble le plus large public ; des foules frémissantes, des foules qui font peur aux forces de répression, ce qui lui a valu les provocations policières, les brimades, la prison. Il va droit au cœur, il touche, il bouleverse, il fustige les indifférents ».

La poésie est une véritable expression à travers laquelle, le poète fait ressurgir l’inconscient d’un peuple. Le poète est ce miroir qui reflète des visages et des regards teintés de désespoir, de morosité, mais aussi d’attentes et d’espoir.

C’est un mode de résistance contre la fatalité, un rempart à la désillusion, un chemin vers la conscientisation et une expression de liberté.

La poésie, c’est la contestation, c’est de contester tout ce qui est autoritaire et morale. Lounis Ait Menguellet, nous a conduit dans cette optique depuis ces débuts artistique vers la fin des années soixante. Les chansons d’amour ont été les premières chansons composées de Lounis Ait Menguellet. Dans ses chansons le poète fait la description de la beauté féminine, Il parle des ébats amoureux d’une manière si sublime qu’ils arrivent à être perçus comme normale dans une société très conservatrice des années soixante et soixante-dix. Ceci est visible dans des chansons telles que « Azine Areqaq, Djamila,… »

Le poète s’insurge contre l’autorité des parents et exhorte ces derniers à lui laisser la liberté de choisir sa partenaire  « A LWALDIN». Une manière intelligente par laquelle il interpelle les parents et la société en générale de se divorcer des anciennes pratiques et modes d’organisations sociaux et culturels très contraignants et très moralisants. D’après lui, l’homme et la femme doivent se connaitre avant leur mariage, ils doivent avoir la liberté de sortir ensemble, de discuter pour construire les bonnes bases pour leur avenir conjugal.

Lounis rend hommage à la femme et s’insurge contre la phallocratie et la domination masculine. Une domination dont la femme est devenue un objet qui sert le ménage et les travaux laborieux. Elle est dépourvue de tous les biens et les luxes que l’autre sexe avait accès.les chanson « akka idezwadj ayemma » « tametut » explicitent la vision égalitaire du poète et son engagement féministe.

La moralisation de la société, l’islamisation, l’étouffement des libertés démocratiques et autant de questions qui intriguent notre poète. Dans un poème intitulé « targit », il rêve d’un Etat égalitaire, un idéal pour un artiste qui vit dans un pays qui a tué le sens de la vie.

La domination de la religion, sa mainmise dans la vie sociale et quotidienne, autant de soucis qui laissent pas le poète indifférent. Pendant les années soixante-dix, il compose une chanson intitulée « A3ettar », dont il fait allusion à l’impérialisme venu d’orient. Au début des années quatre-vingt, il compose un chef-d’œuvre, « Abehri » dont il parle, de la dérationalisation de la société, et son attachement à des valeurs rétrogrades qui font pas avancer l’humain. Dans son album paru en 2010, Lounis Ait Menguellet, se positionne clairement, en exhortant les gens de s’éloigner des idées religieuses, intégristes qui privilège la mort sur la vie. Pour lui il y’a qu’une seule vie que l’être devait en profiter.

La revendication culturelle berbère et démocratique constituait une part importante de son engagement à travers des langues années. Ses paroles comme « nezra », interpellent les décideurs et combattent leur refus de cette culture millénaire qui appartient à tous les nord africains. Il mit en valeur sa langue et son attachement à sa terre natale « tamurt ».

Lounis Ait Menguellet mérite le respect, l’appréciation et la valorisation pour ce qui donne pour son peuple, mais aussi pour toute l’humanité, car ses œuvres ont une dimension universelle avec une expression kabyle. Nos écoles et nos universités doivent introduire cette poésie et littératures du grand Ait Menguellet dans les manuels et les programmes officiels. Chaque pays devait respecter ses poètes, car, un poète est un révélateur du passé, est un témoin de son présent, mais aussi, est un visionnaire du futur. Je finis mon article en disant, je suis Ait Menguellet, je suis Charlie, Je suis Matoub et je suis le citoyen du monde qui se bat contre l’obscurantisme.

Amar BENHAMOUCHE

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