Algérie : un pays qui se cherche | Kabyle.com
Algérie : un pays qui se cherche
sam, 2012-03-24 04:19 -- Benamghar Rabah
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L’Algérie va mal. Tout le monde le sait, tout le monde le constate. Mais le comble c’est que personne ne propose de remède immédiat et efficace. Des constats, des constats et rien que des constats. Les gens sont comme tétanisés. Les querelles politiques stériles désorientent le citoyen. Le parlement est devenu le lieu de confluence de tous les prédateurs politiques. Les opposants politiques qui par définition sont les animateurs de la vie de la société, se résignent de plus en plus à accepter les règles du jeu édictées par un pouvoir dictatorial unique au monde. Un pouvoir habillé d’une soutane démocratique à faire rougir Montesquieu et tous ceux qui s’en sont inspirés.
Après avoir cru pendant les premières années post-octobre 88 , les plus téméraires d’entre eux acceptent l’idée de partage du pouvoir même à distance en acceptant des strapontins généreusement distribués par les arbitres de la rencontre qui se joue actuellement sur le terrain de dame Algérie. Quand un loup n’arrive pas à s’accaparer une proie, il daigne la partager avec les hyènes. Et les plus faibles des charognards acceptent, la mort dans l’âme, les restes du festin. Les tenants du pouvoir ont besoin de ces faire-valoir pour une légitimité de gouvernance.
Au début des années 90, malgré la progression fulgurante de l’islamisme politique incarné par le F.I.S qui avait induit l’affolement de la citadelle décisionnelle, il y avait un débat idéologique de tous les courants, aussi contradictoires soient-ils. Les gens se permettaient même de rêver d’un pays où il ferait bon vivre et capable de rivaliser avec des nations plus avancées que nous.
Qui ne se souvient des débats télévises de l’époque où l’audiomètre atteignait des chiffres dignes des grandes chaînes d’outre mer ? Qui ne se souvient des émissions de HHC (Hamraoui Habib Chawki) et Cie même si après sa nomination à la tête de l’ENTV, ce même HHC se complaisait à cadenasser la citadelle qui l’avait fait sortir de l’ombre et grâce à laquelle il était devenu ce qu’il était. Après avoir fait le sale boulot, ceux qui l’ont ramené le rangent dans l’armoire des oubliés. C’est la nature du régime algérien qui consiste à citronner ses serviteurs zélés et les jeter sitôt le besoin fini. Il faut signaler que cette période a vu une ouverture médiatique sans précédant. Des titres de journaux ont proliféré. La presse écrite libre était née. Pendant cette période là, la presse et la télévision nationale jouaient un rôle de qualité.
A cette époque critique, à savoir les années où le terrorisme menaçait les fondements même de la nation algérienne, la quasi totalité des algériens n’ont jamais douté, pas un seul instant, que l’Algérie, grâce à ces valeureux enfants, incarnés par des figures humbles et résolument engagées autour des idéaux de liberté authentique et du changement réel, allait se redresser. Souvenez-vous du CNSA et de son maître à penser feu BENHAMMOUDA. Souvenez-vous de ces patriotes de Kabylie et d’ailleurs (Igoujdal et Mizrana). Souvenez-vous de la jeune martyre KATIA bravant la menace terroriste qui l’oblige à porter le foulard. Souvenez-vous de tous ceux qui sont tombés pour que vive l’Algérie. D’ABANE à BOUDIAF. DJAOUT, LYABES, BOUCEBCI, SENHADRI, YEFSAH etc.…dommage que leur patriotisme inné ne leur avait pas suggéré plus de vigilance. L’islamisme armé les a surpris dans leur engagement spontané. Ils aimaient l’Algérie. Ils faisaient partie de ceux qui ont préférés la famille qui avance à celle qui recule* le terrorisme les a ravi à l’Algérie qui avait besoin d’eux vivants.
Au fond du ravin sur le plan financier et presque en cessation de paiement de ses créances extérieures. Acculée par le terrorisme jusque dans ces derniers retranchements, l’Algérien du bas n’a jamais baissé ses bras et n’a jamais perdu espoir. Que voit-on aujourd’hui ? Un pays au bord de l’asphyxie malgré le montant faramineux du stock de billets verts engendré par la hausse vertigineuse du prix du baril du pétrole. Un pays où les meilleurs et les plus vulnérables d’entre-nous se jettent à la mer sur des pirogues de fortune pour rallier les côtes nord de la méditerranée en quête de jours meilleurs. Un pays où sitôt un jeune quitte les bancs des amphis universitaires, embarque pour des destinations lointaines. Un pays où l’immolation est banalisée. Un pays où les mosquées se remplissent de plus en plus de jeunes et de moins jeunes non pour la foi ni pour l’amour de la religion d’ailleurs, mais parce que les lieux de cultures et de loisirs se ferment. Parce que les horizons s’assombrissent. Parce que les seules portes qui s’ouvrent à eux sont celles des lieux de cultes, clandestins ou officiels. La pratique religieuse importe peu, seul l’accessoire et l’ostentatoire comptent.
Dans la mémoire collective, la gandoura et la barbe sont synonymes de peur et de terreur alors les mettre est salutaire pour des frustrés de tout bord, pour faire peur, eux qui ont eu toujours peur. Il faut dire que depuis que l’état s’est accaparé le discours religieux, les islamistes sont décomplexés. Ils s’affichent au grand jour. Apres avoir combattu l’islamisme armé notre état tolère et encourage l’islamisme doctrinal et social. Ce que l’islamisme armé n’a pas gagné par les armes est en train de le gagner par l’endoctrinement et l’embrigadement de la société. La loi sur la concorde civile a accéléré la réapparition du phénomène religieux. L’état encourage la fermeture des débits de boissons alcoolisées. Des salles de prière sont ouvertes dans toutes les administrations publiques, les écoles et les universités. Les mosquées pullulent sur tout le territoire national. Et nous en passons sur les concessions faites à ce courant.
Ne dit-on pas que quand les théâtres se vident les églises se remplissent. Alors notre état a fermé les salles de cinéma. Il diabolise les buveurs de boissons alcoolisées. Il accuse les couples d’amoureux d’adultère et d’immoralité. Parce que les librairies ne vendent plus de livres mais des amuse-gueules. Parce que les études ne débouchent plus sur le monde du travail mais sur le trottoir et le « hitisme » Parce que nos usines ne recrutent plus mais licencient. C’est donc naturellement que tout cela engendre la plus grande malédiction qui nous frappe aujourd’hui : le désespoir. A tort ou à raison le peuple se jette dans les bras de la fatalité. Il se réjouit d’attendre la mort au lieu de vivre la vie. L’exemple nous est venu des jeunes de Kabylie affrontant les balles torses et mains nus. L’exemple nous est venu des jeunes qui se font sauté à coup de bâtons de dynamite à peine la puberté consommée. Savent-ils pourquoi ils meurent ? Nous pardonneront-ils notre lâcheté et notre amnésie? Leur endoctrinement-pour les uns- ne peut cacher la misère socioculturelle qui les a jetés dans les bras de l’hydre intégriste. Vous pouvez miroiter mille paradis à un jeune équilibré mentalement et intellectuellement, il n’acceptera jamais de mourir en se faisant sauter. Les nouveaux prophètes vivent du désœuvrement de la société. Ils récupèrent la détresse des gens. L’ancienne génération au commande du pays depuis les années soixante est particulièrement responsable de cette situation de délabrement général. L’école et la culture ont été sacrifiées au profit de dogmes religieux importés. On a formé des analphabètes à défaut de citoyens capables d’affronter les défis du siècle.
Pour ce qui est de la Kabylie en particulier, les partis politiques ayant un ancrage avéré dans cette région récalcitrante et qui refuse le joug du centralisme jacobin se meurent ou renoncent. Le Dr Saïd Sadi s’éclipse pour permettre à une jeune équipe de cadres de s’exprimer et de s’affirmer nous dit-on ! Comment un homme aussi tenace et engagé peut-il se retiré de la politique ? bien sur qu’il a annoncé qu’il restera un militant mais est-ce vraiment crédible lui qui a crevé les écrans et cassé des tribunes ?
Nous ne douterons jamais de cette relève ô combien nécessaire mais nous doutons de la recevabilité des causes du départ de Sadi.
Quand à Hocine Aït Ahmed qu’on dit malade, il ne connait rien des problèmes de la Kabylie lui qui l’a quittée depuis son jeune âge. Il n’a pratiquement pas milité chez lui. Sa relation avec la Kabylie se résume à une sorte de troc politique avec le régime pour une survie médiatique symbolique. Ses sorties anachroniques font de lui un homme en déphasage avec les défis actuels.
Pour ce qui est du MAK (mouvement autonomiste) il est difficile de le juger sur sa capacité à mobiliser les Kabyles pour le moment n’étant pas reconnu légalement. Il a réussi à récupérer les militants qui ne se reconnaissent plus dans les deux partis traditionnels suscités. Beaucoup de jeunes Kabyles inféodés à ce courant, doutent de la possibilité de se fondre dans le système de l’Etat Nation.
Et le peuple dans cela ! Est-il indemne de reproches ? Une seule chose est sûre, lorsqu’ un peuple ne réagit pas à la douleur c’est qu’il est dans le coma. Alors n’y a-t-il rien d’autre à attendre que le salut divin ? Et encore.
Ni le peuple ni les dirigeants ne sont exempts de reproches. Les uns et les autres ont failli à leurs missions. L’histoire retiendra celui qui le premier des deux aura assumé la tâche que le destin lui aurait assignée naturellement. Montesquieu disait : » le peuple n’a que les dirigeants qu’il mérite » alors le peuple algérien doit s’y atteler dès maintenant pour installer durablement les dirigeants qu’il veuille bien mériter. La méthode importe peu.
Benamghar Rabah
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