lundi 14 mai 2012

1 668 507 Algérien(ne)s ont voté «blanc» ou «nul»


1 668 507 Algérien(ne)s ont voté «blanc» ou «nul»
Le «grand parti» des bulletins nuls

le 14.05.12 | 10h00 7 réactions


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En quinze ans, le nombre de suffrages annulés a carrément quadruplé. Ils étaient 493 000 Algériens à glisser des bulletins nuls lors des législatives de mai 1997


1 668 507 Algériens et Algériennes ont voté «blanc» ou «nul». Même loin derrière le «parti de l’abstention» – 12 486 292 d’Algériens (nes)ont boudé l’urne, 57,1% du corps électoral –, grand vainqueur des législatives du 10 mai, le parti des «bulletins nuls» n’en a pas moins des prétentions «hégémoniques» : 22% des suffrages exprimés.

En quinze ans, le nombre de suffrages annulés a carrément quadruplé. Ils étaient 493 000 Algériens à glisser des bulletins nuls lors des législatives de mai 1997 – un scrutin marqué par la fraude massive –, le nombre passe à 876 342 lors des parlementaires de mai 2002 et à 961 551 suffrages annulés lors des législatives de 2007.

En glissant dans l’urne une enveloppe vide, un ou plusieurs bulletins de vote déchirés ou annotés souvent avec humour et ironie, les électeurs expriment forcément une position, envoient un ou des messages aux gouvernants et à la société. Les «nuls» sont-ils pour autant compris ? Pas si l’on se fie à l’analyse primaire du régime.

Zoubir Arrous, sociologue, chercheur en sociologie politique au Cread, se dit d’ailleurs «étonné» du qualificatif utilisé vendredi dernier par Daho Ould Kablia pour désigner les votants «à blanc» : «Pour le ministre de l’Intérieur, cette catégorie relève presque de la psychiatrie. Ceux qui glissent des bulletins raturés ne sont, selon lui, rien d’autres des ‘majanine’, des fous, des débiles.»

Parmi les 42,36% d’Algériens ayant voté jeudi dernier – neuf millions de suffrages exprimés –  l’universitaire distingue trois catégories : la première vote par «tradition», souligne-t-il : «Cette catégorie a coutume de voter depuis 1963 et se sent concernée par tous les scrutins. C’est une catégorie sans chapelle ni appartenance politique, mais qui a juste pris l’habitude de voter FLN et, depuis l’indépendance, reproduit mécaniquement le même choix.»

La deuxième catégorie est celle qui vote, d’après M. Arrous, par «peur» des représailles, notamment de la part de l’administration, des appareils répressifs. «C’est la catégorie d’Algériens traumatisés par la terreur des années 1970 et qui a toujours voté et vote encore par peur.» «La troisième, politiquement mûre, est celle qui glisse un bulletin ’nul’, par défiance et opposition à l’ordre établi.» Les votants «nuls» expriment à leur façon leur révulsion pour l’acte et le personnel politiques qu’ils ont déjà jugé et condamné.

D’ailleurs, les bulletins de vote annulés portent toutes sortes de graffitis : «Vive Khadafi», «Makach el khobza» (pas de travail !), «Aâtouna essokna» (donnez-nous un logement !)»… Cette troisième catégorie, ajoute M. Arrous, renvoie aux Algériens d’âge moyen. «Quoi qu’on n’ait pas encore les résultats par tranche d’âge, constate-t-il, car ce type de statistiques est gardé comme un secret d’Etat.»


Mohand Aziri

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