BOUTEFLIKA-DRS ; RCD ET FFS
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- Publié le Dimanche, 09 Septembre 2012 14:36
- Écrit par Rachid Bali
Mouvementée, la semaine a secoué tout le monde. Commençons par le pire : un gouvernement remanié après 4 mois d’immobilisme dans l’opacité et l’incohérence complètes. Opacité car nul ne sait précisément pourquoi on a mis autant de temps à remanier une équipe qui ne remet en cause ni les grands équilibres systémiques ni les pratiques utilisées pour le recrutement des faire valoir-gouvernementaux. Pas moins de six des individus introduits ou rappelés sont déjà devant la justice ou passibles de tribunaux. Incohérence, car même les dosages des officines traditionnellement intangibles n’ont pas connu, cette fois, un prolongement concret dans la configuration du nouvel exécutif.Finalement, la dynamique du pourrissement est plus forte que la sacro sainte religion du statu quo. Le FLN, dopé par les voix de l’armée, est lésé dans la répartition des portefeuilles ministériels et la promotion de la femme, par la quelle on a voulu épicer la manœuvre du 10 mai, a été ignorée par le remaniement. Comment faire admettre à un parti politique qu’il doit souscrire aux recommandations de l’exécutif préconisant la valorisation des militantes dans le classement des listes électorales quand le premier gouvernement constitué après les législatives a souverainement ignoré la représentation féminine ?
Le dépit et les divisions aidant, des indices, mineurs à première vue, commencent à sourdre du bunker où s’est décidé ce qui se voulait être un lifting devant permettre de faire illusion, le temps de se retourner pour relancer le système. Ces fuites d’importance secondaire sont cependant plus significatives des us et coutumes du sérail actuel que bien des « avis autorisés » qui assurent détenir les vraies explications sur telle ou telle décision. On apprend, par exemple, que Nacer Mehal, pourtant formaté dans le très orthodoxe moule de l’APS, a été éjecté pour avoir avoué que les télévisions privées, lancées par le frère du chef de l’Etat et sponsorisées par le DRS – une des opérations effectivement cogérées par les deux pôles du pouvoir – « fonctionnent dans l’informel ». C’est bien le moins que pouvait avouer un ministre de la communication interpellé sur un scandale politico-judiciaire concernant directement de son département. Pareille banalité a été vécue comme un acte d’indiscipline voire de rébellion. On devine, au regard de ce genre de réactions, sur quels critères sont retenus les préposés aux responsabilités gouvernementales et ce qui est attendu d’eux. Quand la sauvegarde du système est en cause, le reflexe de survie transcende tous les clivages.
La géopolitique est toujours traitée en fonction de positionnements antiques qui font également consensus dans le système algérien. La gestion de la crise malienne prolonge une nostalgie de l’ère glaciale des années soixante. Un diplomate déclaré exécuter par ses ravisseurs ne suscite que l’annonce tardive d’une vérification de l’information par le ministère des affaires étrangères qui, depuis, retombe dans le mutisme et abandonne l’opinion aux sources d’informations parallèles ou extérieures au pays.
Moins tragique mais plus symptomatique est l’archaïsme de la réaction, ou plus exactement la non réaction, qui a suivi l’annonce de « la mort clinique » de Bouteflika en Suisse faite par un journaliste français et qui a aussitôt inondé internet. Dans tout pays en phase avec son temps, on aurait immédiatement répondu par un communiqué ou montré le chef de l’Etat vaquant à ses occupations pour étouffer dans l’œuf une nouvelle qui ne contribue pas à mieux éclairer, c’est le moins qu’on puisse dire, le citoyen dans une période d’instabilité interne multisectorielle et de grands bouleversements régionaux. Tout se passe comme si ce genre de perturbations et de chocs médiatiques, aggravant l’obscurcissement de la scène politique et livrant l’Algérien aux rumeurs, étaient bienvenues pour un pouvoir qui ne peut miser que sur le doute, la spéculation et la manipulation pour agir à sa guise le jour où un événement brutal viendrait à menacer ses équilibres internes. La suspicion qui ne manquerait pas d’accompagner toute information créerait alors assez de confusion qui donnerait aux acteurs de l’ombre le temps nécessaire pour agir en dehors et, hélas comme toujours, contre la participation citoyenne. On peut supposer que si Bouteflika était en situation de mort clinique, la chose ne serait pas passée inaperçue pour les agences de presse qui ne sont pas toutes, heureusement, prises dans le large , très large et dispendieux filet de la propagande maffieuse jeté par Bouteflika de par le monde ; le délirant publi-reportage produit sur le cinquantenaire de l’indépendance et endossé aux plus grands titres mondiaux comme des articles de leur rédaction n’étant que la face visible de l’iceberg politico-financier par lequel le pouvoir algérien s’achète un sursis de plus en plus précaire.
Regardons maintenant le versant potentiellement fécond de cette semaine. Il a été fort opportunément écrit dans ce site que le boycott des législatives par le RCD et la rétraction de l’actuelle direction du FFS du gouvernement, où avait promis de l’envoyer Ait Ahmed, sont, en réalité à l’origine de l’effondrement d’un montage politique qui aurait pu retarder l’avènement d’une démarche alternative au système. En effet, l’implication de responsables du FFS, même sans crédit ni notoriété, aurait donné aux slogans du pouvoir – aujourd’hui inaudibles – une résonnance internationale qui aurait fait perdre encore plus de temps aux militants œuvrant au changement démocratique.
L’ancien président français François Mitterrand, qui était tout sauf un naïf, disait qu’en politique un plus un faisaient plus de deux. Même non concertées, les positions de la base du FFS et du RCD ont évité au pays un autre scenario de dupes, obligeant au dernier moment le régime à s’exposer dans sa nudité et fouiller dans ses poubelles pour garnir sa vitrine gouvernementale. Et dans la conjoncture actuelle, ce dégoupillage vaut son pesant d’or ; tant il est vrai que, dans ses avancées démocratiques, l’histoire politique de notre pays est dépendante des luttes qui sont menées dans, par ou autour de la Kabylie.
J’ai pu lire le commentaire d’un internaute qui, se laissant aller à des souhaits sans doute partagés par l’immense majorité des patriotes conscients de l’impérative nécessité de conjuguer ces deux forces, suggérait la constitution de listes communes aux prochaines élections locales entre la base du FFS et le RCD. Les résultats d’une telle union, stimulant une société civile apathique, dépasseraient largement l’addition des voix des deux partis. La logique politique du moment offre une occasion unique. Le RCD qui avait boycotté les législatives vient d’annoncer sa participation aux prochaines locales et les dissidents du FFS semblent vouloir donner plus de souffle à leur mouvement après la réunion tenue à Akbou cette semaine et qui a vu Mustapha Bouhadef et Djamal Zenati désignés comme porte-paroles des rénovateurs.
A priori, l’obstacle historique à une telle perspective est levé. Ait Ahmed qui a fait du rejet du RCD une obsession vient d’être désavoué, ce qui, à la fois, peut l’amener à plus de modération et encourager l’émancipation des militants longtemps inconditionnels de sa parole. L’éloignement de Saïd Sadi de la responsabilité devrait donner moins de prise aux polémiques. Politiquement, la chose est salutaire autant pour une région déchiquetée par une diabolique entreprise de déstructuration que pour l’Algérie démocratique.
Demeure une contrainte de taille. Par ce que cette initiative est vitale pour toute politique de rénovation nationale, les tenants du pouvoir réel, ceux qui ont étouffé le projet de la Soummam, feront tout pour empêcher l’aboutissement d’une perspective, par essence, antinomique de l’ordre actuel. Il faut savoir que l’expérience et les moyens ne manquent pas aux forces qui ont confisqué la mémoire et les ressources algériennes.
Bouteflika-DRS d’un côté ; FFS-RCD de l’autre. On en revient à 1957. A première vue, le rapport de force peut paraître déséquilibré. Pourtant, quand les systèmes sont à bout de souffle et dans des conjonctures favorables, l’Histoire a montré que la dynamique de libération est toujours plus forte que la force brutale.
Il n’y a de batailles perdues que celles qui n’ont pas été livrées.
Le dépit et les divisions aidant, des indices, mineurs à première vue, commencent à sourdre du bunker où s’est décidé ce qui se voulait être un lifting devant permettre de faire illusion, le temps de se retourner pour relancer le système. Ces fuites d’importance secondaire sont cependant plus significatives des us et coutumes du sérail actuel que bien des « avis autorisés » qui assurent détenir les vraies explications sur telle ou telle décision. On apprend, par exemple, que Nacer Mehal, pourtant formaté dans le très orthodoxe moule de l’APS, a été éjecté pour avoir avoué que les télévisions privées, lancées par le frère du chef de l’Etat et sponsorisées par le DRS – une des opérations effectivement cogérées par les deux pôles du pouvoir – « fonctionnent dans l’informel ». C’est bien le moins que pouvait avouer un ministre de la communication interpellé sur un scandale politico-judiciaire concernant directement de son département. Pareille banalité a été vécue comme un acte d’indiscipline voire de rébellion. On devine, au regard de ce genre de réactions, sur quels critères sont retenus les préposés aux responsabilités gouvernementales et ce qui est attendu d’eux. Quand la sauvegarde du système est en cause, le reflexe de survie transcende tous les clivages.
La géopolitique est toujours traitée en fonction de positionnements antiques qui font également consensus dans le système algérien. La gestion de la crise malienne prolonge une nostalgie de l’ère glaciale des années soixante. Un diplomate déclaré exécuter par ses ravisseurs ne suscite que l’annonce tardive d’une vérification de l’information par le ministère des affaires étrangères qui, depuis, retombe dans le mutisme et abandonne l’opinion aux sources d’informations parallèles ou extérieures au pays.
Moins tragique mais plus symptomatique est l’archaïsme de la réaction, ou plus exactement la non réaction, qui a suivi l’annonce de « la mort clinique » de Bouteflika en Suisse faite par un journaliste français et qui a aussitôt inondé internet. Dans tout pays en phase avec son temps, on aurait immédiatement répondu par un communiqué ou montré le chef de l’Etat vaquant à ses occupations pour étouffer dans l’œuf une nouvelle qui ne contribue pas à mieux éclairer, c’est le moins qu’on puisse dire, le citoyen dans une période d’instabilité interne multisectorielle et de grands bouleversements régionaux. Tout se passe comme si ce genre de perturbations et de chocs médiatiques, aggravant l’obscurcissement de la scène politique et livrant l’Algérien aux rumeurs, étaient bienvenues pour un pouvoir qui ne peut miser que sur le doute, la spéculation et la manipulation pour agir à sa guise le jour où un événement brutal viendrait à menacer ses équilibres internes. La suspicion qui ne manquerait pas d’accompagner toute information créerait alors assez de confusion qui donnerait aux acteurs de l’ombre le temps nécessaire pour agir en dehors et, hélas comme toujours, contre la participation citoyenne. On peut supposer que si Bouteflika était en situation de mort clinique, la chose ne serait pas passée inaperçue pour les agences de presse qui ne sont pas toutes, heureusement, prises dans le large , très large et dispendieux filet de la propagande maffieuse jeté par Bouteflika de par le monde ; le délirant publi-reportage produit sur le cinquantenaire de l’indépendance et endossé aux plus grands titres mondiaux comme des articles de leur rédaction n’étant que la face visible de l’iceberg politico-financier par lequel le pouvoir algérien s’achète un sursis de plus en plus précaire.
Regardons maintenant le versant potentiellement fécond de cette semaine. Il a été fort opportunément écrit dans ce site que le boycott des législatives par le RCD et la rétraction de l’actuelle direction du FFS du gouvernement, où avait promis de l’envoyer Ait Ahmed, sont, en réalité à l’origine de l’effondrement d’un montage politique qui aurait pu retarder l’avènement d’une démarche alternative au système. En effet, l’implication de responsables du FFS, même sans crédit ni notoriété, aurait donné aux slogans du pouvoir – aujourd’hui inaudibles – une résonnance internationale qui aurait fait perdre encore plus de temps aux militants œuvrant au changement démocratique.
L’ancien président français François Mitterrand, qui était tout sauf un naïf, disait qu’en politique un plus un faisaient plus de deux. Même non concertées, les positions de la base du FFS et du RCD ont évité au pays un autre scenario de dupes, obligeant au dernier moment le régime à s’exposer dans sa nudité et fouiller dans ses poubelles pour garnir sa vitrine gouvernementale. Et dans la conjoncture actuelle, ce dégoupillage vaut son pesant d’or ; tant il est vrai que, dans ses avancées démocratiques, l’histoire politique de notre pays est dépendante des luttes qui sont menées dans, par ou autour de la Kabylie.
J’ai pu lire le commentaire d’un internaute qui, se laissant aller à des souhaits sans doute partagés par l’immense majorité des patriotes conscients de l’impérative nécessité de conjuguer ces deux forces, suggérait la constitution de listes communes aux prochaines élections locales entre la base du FFS et le RCD. Les résultats d’une telle union, stimulant une société civile apathique, dépasseraient largement l’addition des voix des deux partis. La logique politique du moment offre une occasion unique. Le RCD qui avait boycotté les législatives vient d’annoncer sa participation aux prochaines locales et les dissidents du FFS semblent vouloir donner plus de souffle à leur mouvement après la réunion tenue à Akbou cette semaine et qui a vu Mustapha Bouhadef et Djamal Zenati désignés comme porte-paroles des rénovateurs.
A priori, l’obstacle historique à une telle perspective est levé. Ait Ahmed qui a fait du rejet du RCD une obsession vient d’être désavoué, ce qui, à la fois, peut l’amener à plus de modération et encourager l’émancipation des militants longtemps inconditionnels de sa parole. L’éloignement de Saïd Sadi de la responsabilité devrait donner moins de prise aux polémiques. Politiquement, la chose est salutaire autant pour une région déchiquetée par une diabolique entreprise de déstructuration que pour l’Algérie démocratique.
Demeure une contrainte de taille. Par ce que cette initiative est vitale pour toute politique de rénovation nationale, les tenants du pouvoir réel, ceux qui ont étouffé le projet de la Soummam, feront tout pour empêcher l’aboutissement d’une perspective, par essence, antinomique de l’ordre actuel. Il faut savoir que l’expérience et les moyens ne manquent pas aux forces qui ont confisqué la mémoire et les ressources algériennes.
Bouteflika-DRS d’un côté ; FFS-RCD de l’autre. On en revient à 1957. A première vue, le rapport de force peut paraître déséquilibré. Pourtant, quand les systèmes sont à bout de souffle et dans des conjonctures favorables, l’Histoire a montré que la dynamique de libération est toujours plus forte que la force brutale.
Il n’y a de batailles perdues que celles qui n’ont pas été livrées.
Rachid Bali
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