samedi 14 février 2015

"Le pouvoir ne veut plus de l’époque de Ferhat Imazighen Imoula ou de Matoub" | Tamurt.info

Kamel Syamour à Tamurt.info :
Loin des feux de la rampe, le jeune chanteur Kabyle, Kamel Syamour, continue à gravir les échelons. Il a deux albums sur le marché. Dans un style Chaabi, un peu rythmé, les chansons de Kamel sont imprégnées d’un air traditionnel et moderne à la fois dont lui seul connait le secret. Kamel ne sait pas seulement chanter mais il est aussi un bon orateur. Écoutons-le.
14/02/2015 - 00:00 mis a jour le 13/02/2015 - 22:41 par
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Tamurt.info : Vous avez animé une série de galas en Kabylie et en Europe, quel bilan en tirez vous ?
Kamel Syamour : Effectivement j’ai passé les mois de juillet et août au pays où j’ai sillonné la Kabylie. J’ai animé seize (16) concerts, entre Bouira, Bejaia, Tizi-Ouzou ,,, Il y a eu les soirées ramadan puis les festivals, comme le festival de la chanson amazigh a Vgayet, C’était une aventure enrichissante. Des échanges et des rencontres avec le public. Chaque concert avait sa particularité , j’avoue que le public a beaucoup évolué, il est devenu exigeant sur la qualité musicale et sait ce qu’il veut, Contrairement à ce qu’on entend ci et là, j’ai rencontré des musiciens de qualité, je ne peux que m’en réjouir. Il est vrai qu’il y’a des manquements au niveau de l’organisation, la communication ou la promotion pratiquement inexistante, mais pour moi c’était secondaire, car les réseaux sociaux ont bien fonctionné et puis la symbiose entre le public et moi était toujours fortement présente. Cette série de spectacles est largement positive, je profite de l’occasion pour remercier toutes les personnes qui me font confiance et croient enmon travail. Je reviens d’Agadir au Maroc, et la récemment j’étais présent à Berlin en Allemagne, pour la fête de Yennayer, Que du bonheur, !!
Tamurt.info : Votre deuxième album a-t-il eu une bonne écoute ?
Je n’ai pas de chiffres des ventes ni de statistiques à vous fournir, mais ce que je sais, c’est que le public a toujours répondu présent en chantant en chœur mes chansons. Les médias croient en mon travail car les radios, les télévisions et certains journaux en parlent et me sollicitent souvent. Il y a aussi l’écho de la rue qui me rassure et me pousse à aller de l’avant. Il faut aussi savoir que j’ai animé une conférence de presse pour la promotion du nouvel album ’’ DDUNIT’’ qui a réuni plus de trente journalistes à Tizi ouzou. Vous y étiez d’ailleurs ! Ma satisfaction est grande ! Je n’en suis qu’à mon deuxième album. Le chemin est encore long. Je remercie d’ailleurs le studio WMS à Roubaix, où ces deux albums ont été réalisés. Les deux albums seront réédités avec des inédits chez Gosto production, selon le gérant Mr Amirouche Belaid ça sera pour le printemps,
Tamurt.info : Y a-t-il un nouvel album en préparation ?
Quand on voit la joie que le public me procure, forcement il y’a des projets, mais comme je disais déjà en haut, le public est exigeant vis-à-vis de l’artiste alors il faut de la création, de la recherche et de l’originalité et tout cela prend du temps. Faire une vraie production demande beaucoup de moyens humains, financiers et techniques. Je ne peux pas aller plus vite que la musique. 
Cela prendra le temps qu’il faudra mais cela sera un travail abouti, je le dois à ce public, mais faire un album ou deux par an je ne le ferai pas, de toute façon je ne pourrai pas, mon premier album « machahou » a déjà 4 ans, et on l’entend encore sur plusieurs les radios. Je pense bien sûr préparer quelque chose pour fin 2015 ou début 2016, deux ans minimum de travail pour un album c’est correct,
Tamurt.info : Pourquoi les jeunes artistes Kabyles se méfient-ils de la chanson engagée ces dernières années ?
Riiiire ,,,,, ayayayyyy, que veux tu que je te dise ?? C’est compliqué à expliquer. 
Quoi qu’on en dise, la chanson kabyle en générale est liée à la politique du pays. Le pouvoir dépense sans compter pour anéantir la chanson engagée, ils ne veulent plus de l’époque de Ferhat Imazighen Imoula ou de Matoub pour ne citer qu’eux. Cette époque leur a laissé des séquelles , (qarnass yibass ith staadi af ouchen). L’histoire prouve sans cesse que sans la Kabylie, il n y aurait jamais eu de mouvements politiques en Algérie, la seule menace pour les faire quitter le pouvoir c’est la Kabylie. Ils ont alors mis les moyens nécessaires pour faire de cette région rebelle ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Ils nous imposent un mode de vie qui gagne même nos villages, et ce processus a commencé dès les années 80. Ils vont doucement mais sûrement. Bien sûr, certains kabyles sont complices. Alors ce découragement parfois dure, nos jeunes le vivent mal et se méfient maintenant de la politique.
Combien d’hommes Kabyles engagés, opposants sont amis avec ceux qui nous tuent ? Certains artistes d’ailleurs, soit on achète leur service ou leur silence. Les raisons sont multiples et profondes agma ! 
La chanson engagée ne nourrit plus l’artiste, mais parfois il faut faire passer des messages urgents, ce que j’ai fait dans la chanson « dda hemou » du dernier album par exemple. Certains le font bien, je peux citer Ali Amrane ou Akli D. , mais il faut faire confiance au temps. Je crois que ça va changer avec les futures générations, je suis optimiste,
Tamurt.info : La musique fait-elle vivre de nos jours ?
En Europe oui bien sûr avec le système de l’intermittence de spectacle on vit normalement, un artiste qui fait 43 contrats par an devient un intermittent de spectacle « un salarié ». Tous les mois, il perçoit un salaire, mais c’est toute une procédure assez contraignante. On gagne notre vie grâce aux spectacles et certains droits de diffusion ou d’auteur, mais si tu veux parler du CD, c’est fini la belle époque que malheureusement que je n’ai pas connue. Aujourd’hui un artiste fait un album pour le mettre sur youtube gratuitement. Le CD est devenu une carte de visite à distribuer gracieusement, et ça c’est a l’échelle mondiale. Alors pour un artiste qui ne fait pas de tournées, c’est dur pour lui. Pour nous kabyles, c’est encore pire car nous n’avons rien, ni producteurs, ni magasins, ni label,,,,,je dois dire que quand il y a un Zénith kabyle à Paris, c’est produit par Meganet qui est égyptien ou par Harissa le tunisien. Les éditeurs qui se trouvent en Algérie font de leur mieux, sans formation, ni aides, ni encadrement, ce sont des boutiques de commerce, mais qui font ce travail par amour et passion, je leur souhaite vraiment bon courage,
Tamurt.info : Un dernier mot Kamel Syamour ?
Notre peuple est meurtri, blessé, nous traversons un moment de turbulence qui va encore durer. C’est le moment où l’artiste doit être fort et courageux pour remonter le moral et dire que le combat continue. Malheureusement, certains enfoncent le couteau dans la plaie en les disant qu’ils sont négligents envers leur culture et leur langue. Certains chantent pour soutenir des causes qui nous appartiennent, d’autres ont chanté pour soutenir ceux qui nous humilient, d’autres sont prêts a vendre leurs âmes au diables pour quelques dinars,,, Les kabyles ont besoin de réconfort, d’assurance et de respect par rapport à ce qu’ils ont endurer depuis des années,
Merci agma pour cet entretien, je n’ai pas l’habitude de traiter de ces sujets mais c’est le cœur qui a parlé,
Tanmirt,
Propos recueilli par Saïd F.

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