Entretien avec Tahar Aissi
TAMURT – À l’approche de la rentrée scolaire et suite à la décision de la nouvelle ministre algérienne de l’éducation d’introduire certains changements dans son secteur, nous avons sollicité l’enseignant en Tamazight et doctorant à l’université de Paris, Tahar Aissi, pour un entretien express. Interview !
1/Que pensez de la proposition de la ministre algérienne de l’éducation relative à l’introduction du dialectal à la maternelle ?
L’idée de la ministre reste toujours une proposition. Le problème ne se pose pas en termes d’être ou ne pas être d’accord, mais de soumettre l’idée aux spécialistes et aux pédagogues dignes de ce nom, loin de tout « calcul politicien » ou manœuvres machiavéliques. Pédagogiquement parlant, cela peut se faire; mais politiquement, il faut connaitre d’abord les intentions et l’objectif de ce Pouvoir ainsi que les enjeux idéologiques qui sous-entendent cette idée d’introduire l’arabe dialectal dans l’enseignement en Algérie. Enfin, le problème culturel reste toujours posé en Algérie avec plus d’acuité, tant que le Pouvoir algérien refuse d’aller à la racine du problème. Cela fait plus de quarante ans depuis que les citoyens algériens attendent de leurs « représentants », une véritable volonté politique pour régler certains problèmes culturels et identitaires, mais toujours en vain !
2/Beaucoup de personnes s’y opposent alors que ces mêmes personnes n’avaient rien dit lorsque les égyptiens usaient de leur dialecte dans les collèges et lycées.
Certes, beaucoup de personnes s’opposent à l’idée de la ministre alors qu’ils n’avaient rien dit lorsque les Palestiniens et les Egyptiens usaient de leur dialecte dans les collèges et lycées. Je ne peux pas répondre à la place de ces personnes, mais je dirais que ces opposants, qui auraient dû réagir à l’époque, n’avaient pas, peut-être, une certaine liberté pour le faire du fait de la dictature qui sévissait en Algérie.
3/Tamazight n’est enseignée que dans quelques wilayas. Pensez-vous qu’elle le sera dans les autres dans un avenir proche ?
Vous dites que tamazight n’est enseignée que dans quelques wilayas. Quelles sont ces wilayas d’abord? Il faut bien éclairer l’opinion publique. Il ne suffit pas d’affecter un ou deux enseignants à Oran par exemple pour, soit disant, faire croire aux Algériens que tamazight est enseignée à Oran ou ailleurs. Avant de parler du nombre de wilayas concernées par l’enseignement de tamazight, qu’on nous donne d’abord le chiffre exact des élèves étudiant cette langue. Donnez-nous le nombre d’élèves bénéficiant de l’enseignement de cette langue à l’échèle nationale, puis on en discutera. Arrêtons de mentir aux personnes. Il faut se mettre dans la tête que l’Algérien de 2015 n’est plus celui des années 2000, notamment avec l’avènement des Ntic( Nouvelles technologies de l’information): aujourd’hui, le citoyen est à jour de l’information . Pour revenir à votre question relative à la généralisation de l’enseignement de la langue amazighe en Algérie, je dirais que, personnellement, je ne suis pas vraiment optimiste. Attendons d’abord sa généralisation en Kabylie, pour espérer son introduction dans d’autres wilayas. Cela fait plus de vingt ans (depuis 1995) que l’on parle de généralisation de l’enseignement de tamazight en Algérie. Le projet existe, mais… Je le dis et le redis: tamazight est victime de l’absence d’une prise en charge sérieuse en Algérie; aucune décision politique sérieuse n’a été prise en sa faveur depuis l’indépendance de l’Algérie et depuis son introduction dans le système éducatif algérien. La situation va de mal en pis. S’il n’y a pas une bonne volonté politique, tamazight restera toujours ce qu’elle était avant.
Entretien réalisé par Massidida pour Tamurt
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